La journée s'annonçait sous de bons auspices. Météo frâiche mais clémente, un peu de soleil pour nous réchauffer le matin. j'arrive assez tôt dans l'aire de dépôt des dossards, retrouve quelques CLMs grâce au corsaire. Petit moment convivial, j'admire El Diablo déguisé en Philippidès malgré le froid (c'est ce qui s'appelle avoir la flamme !). Puis direction le sas de départ. J'ai sans doute un peu négligé l'échauffement et surtout les étirements, est-cela que j'ai payé cash ?

Arrivée dans le sas, c'est toujours aussi blindé, bondé, et pas très bien organisé, il faut bien le dire. En plus, mon cardio en profite pour se désynchroniser. Je ne le retrouverai pas de la course, dommage, je ferai sans. Le départ est donné, nous avaonçons tranquillement au milieu des bouteiles et sacs plastiques, toujours aussi nombreux. Et voilà, c'est parti. Je trouve tout de suite un rythme sympa, je me sens bien, je sens que j'ai envie de courir, et je suis dans l'allure du peloton, vers 5'15-5'20 comme prévu.

Les premiers kilomètres commencent à défiler, il fait bon, je suis assez relâché, et je dois même me modérer pour ne pas accélérer, je suis plutôt entre 5' et 5'15 au kilo. Premier ravitaillement avec babane et orange, je prends une bouteille que je garde sur moi (c'est quand même vraiment bien le ravitaillement en bouteille !). Je suis toujours bien dans l'allure, le souffle suit bien. Passage au 10ème kilo, en 51'30 environ, je suis en avance et, tiens ! J'ai faim. Un gel anti-crampes, une banane, pas mal d'eau, ça passe. Nous voilà dans le bois de Vincennes. Il y a deux ans, je m'étais fait doubler par les ballons violets à cet endroit. Là, ils sont loin derrière...

Le tour dans le bois de Vincennes se passe bien, sauf qu'à partir du km 13 je ressens une petite tension derrière la cuisse gauche. Je me dis que ça me promet de belles crampes vers le km 30, essaie de ne pas trop accélérer (j'ai tendance à faire les kilos en 5') mais je continue à avoir de bonnes sensations à part ça. Et à part la faim aussi qui me reprend vers le km 18, alors que je n'ai plus d'eau. Je suis obligé d'attendre le ravitaillement du km 20 pour prendre un gel, ouf ça va mieux.

Je passe au semi en 1h48'30", vraiment un bon rythme, que j'apprécie malgré cette légère tension derrière. Nous voilà sortis du bois de Vincennes: ce passage, c'est un peu le Tour de France avec énormément de public, même s'il est beaucoup trop sage à mon goût. Je reste concentré. On est maintenant sur l'avenue Daumesnil, et c'est là que m'attend le tournant de la course : au km 24, une pointe brutale surgit à l'arrière de ma cuisse gauche, comme si quelque chose lâchait. J'hésite un instant entre crampes et lésion musculaire. Je m'arrête, marche un peu, essaie d'étendre le muscle: mais ça ne soulage pas. Si je cours, je boîte, si je marche, je boitille. Je vais jusqu'au prochain poste de secours, à la Bastille, ils me font un petit massage (qui ne sert à rien). Je suis maintenant convaincu que ce n'est pas une crampe, il vaut mieux arrêter. J'abandonne !

Les sensations sont très bizarres. Je ne me sens pas fatigué, pas épuisé, pas mal aux jambes, et pourtant je ne peux pas continuer. Je suis déçu, mais plutôt de ne pas avoir eu l'occasion de ressentir ce qui fait le coeur du marathon : l'épereuve contre soi, la lutte contre la fatigue, l'expression de la volonté et de la détermination avec, au bout, l'accomplissement ou la défaite. Rien de tout ça ici, la course n'avait même pas commencé, je n'étais même pas sur les quais ! J'ai vraiment l'impression d'avoir fait une sortie longue dominicale, au lieu d'une épreuve. Plus qu'une déception, c'est donc l'impression d'être floué qui domine: on m'a subtilisé mon plaisir de marathonien !

J'essaie de trouver les raisons: préparation insuffisante, c'est sûr. Réduite à 6 semaines à cause d'une tendinite, ça joue. Etirements insuffisants avant la course et peut-être ces derniers temps, c'est possible que ça ait joué. Fatigue et stress, peut-être des facteurs également, difficile à dire...

Je rejoins quand même l'arrivée en métro pour récupérer mes affaires. Le chrono égrène les dernières secondes avant 3h sur la ligne d'arrivée. J'admire ceux qui en terminent ! Petit pincement au coeur en voyant les lueurs de fierté dans leurs yeux, cette joie n'est pas pour moi aujourd'hui. En même temps, je ne suis pas vraiment abattu, d'autres joies m'attendent, sur les courses et surtout en dehors dans les prochains jours. Et ma volonté de préparer New York en novembre n'en sera que plus forte. Je sens mon esprit s'y fixer de plus en plus, la page de Paris se tourne, moins bien que je ne l'espérais, mais ce sera "sans rancune" l'année prochaine !