Après un début en course à pied en 2004 et une progression régulière sur mes 3 premiers Marathons (Paris 2005 en 3h23, Paris 2006 en 3h16 puis New York 2006 en 3h06 :-), l'année 2007 a été plus éprouvante, avec 3h28 à Paris (pas habitué à la chaleur, parti bcp trop vite) puis 3h18 à New-York (départ un peu trop rapide conjugué à une fringale ...).

Pour 2008, l'objectif de 3h me semblait atteignable mais pas avant Berlin en septembre (si j'y vais) et seulement SI je m'entraîne sérieusement (ce que j'ai bcp de mal à faire : boulot et enfants ...). Donc pour ce Marathon de Paris 2008, avec une reprise de l'entrainement fin janvier après 3 mois de break quasi total, seulement 2 sorties par semaine et un problème de dos pendant 10 jous mi-mars, je n'avais pas vraiment d'objectif, même si les sorties se passaient bien, à un bon rythme sans trop forcer ... Du coup

  • J'ai décidé d'y aller cool sans refaire l'erreur de Paris 2007 et NYC 2007 d'un départ trop vite. Donc objectif imposé : ne PAS dépasser 165 pulsations (~80% de ma FCM) jusqu'au bout ou presque, pour essayer de ne pas me prendre le mur ;-). Sur NY 2006 j'avais fait le 1er semi en 1h29 à 175 avant de redescendre (avec lucidité) à 165 pour un 2è semi plus raisonnable en 1h37.
  • Contrairement à NYC en novembre où les 2 derniers repas ont été rétrospectivement un peu légers, j'ai très bien dîné la veille et me suis littéralement "goinfré" de pâtes le matin à 6h (2 grandes assiettes, à la limite de l'écoeurement. Heureusement, 30 min avant le départ je me sentais parfaitement bien ...). Et avec qques sachet de glucide en plus tous les 5 ou 10 kms, ça a très bien marché : pas de fringale : -)

Je suis donc arrivé sur place à 7h45, le temps de passer aux toilettes (le scandale, comme chaque année : 1 pauvre toilette pour 1000 coureurs dans le SAS !!! Ca fait 3s par coureur, la bonne blague), de finir de digérer mes pâtes au frais et de tchatcher avec plusieurs personnes sympathiques, visant aux alentours des 3h. L'attente s'est faite au 1er rang du Sas Rouge, séparé des pros par un petit contingent de dossards préférentiels : de quoi apercevoir les kenyans (entre autres) partir à fond au coup de canon, impressionnant !

  • Bon départ, avec un passage de la ligne seulement 16" après les pros. Pas grand chose à signaler, c'est pas parfait mais ça "roule" quand même assez bien. La descente des Champs est tjs aussi sympa et grisante, même si malgré le monde limité devant moi il faut déjà faire attention aux bouteilles et aux sacs plastiques par terre !
  • Passage du 1er km en 158), je décide donc d'accélérer très légèrement
  • Panneau du 2è km raté mais je me sens bien, la confiance de faire une bonne perf monte, mon record pourrait être menacée, cool, plutôt inattendu :-)
  • 3è km avec le coeur entre 162 et 165 et seulement 12'50" au compteur : après un rapide calcul je constate avec grand plaisir que je n'ai que 2" de retard sur l'objectif "mythique" de 3h. Génial, est-ce un rêve ou est-ce jouable ? En tout cas je me sens bien, détendu, zen, et filant à un peu plus de 14 km/h : elle est pas belle la vie ? Reste que c'est un Marathon, pas de précipitation ou de faux espoirs prématurés, j'en ai fait l'amère expérience par 2 fois l'an dernier ...
  • Au fil des km, la bonne forme se confirme, je continue à ce rythme et gagne 1" à 2" par km : c'est pas grand chose mais c'est toujours mieux que rien !
  • Les 10 kms très relax en 42'27", soit 13s d'avance. Cool, en matheux, je me dis que la proba monte : pas grâce aux 13 malheureuses secondes d'avance mais car je me sens bien et que le coeur est parfaitement sous contrôle, à ~165.
  • Ca continue bien, je franchis les 14 km juste avant l'heure, en 59'17". Petit calcul, j'ai ... 100 m d'avance (~25") : c'est bien mais TOUT reste à faire ...
  • Passage du Semi en 1h28'51'', soit 1'09" d'avance, pas mal. Et surtout, le coeur ne bouge pas d'un pouce, calé à 165 et je me sens toujours très bien : le rêve se rapproche, mais là encore, ce n'est que le début de la course. Comme le disait un autre CLM, la particularité du Marathon c'est que jusqu'au bout le plus dur reste toujours à venir ... !
  • Sans le savoir, je n'étais qu'à 30s de Laurent Jalabert au passage du Semi, et j'aurais sans doute pu le voir à ce moment (ensuite en revanche, il a mis le turbo : 2è semi en 1h24 ...).
  • De mon côté, la course continue bien, 25è km en 1h45'06", tout roule, 1'34" d'avance, la "marge de sécurité" progresse petit à petit : -)
  • 27è km, au niveau du Pont Neuf : pause famille : -). Je salue rapidement mon père, fais un bisous à ma fille et attends qu'elle m'en fasse un (ma puce de 3 ans et demi me l'avait réclamé : après négo serrée, nous avions convenu que je lui ferai un bisou en 1er et qu'ensuite j'attendrai qu'elle m'en fasse un à son tour, à la condition expresse qu'elle se dépêche ! Coup de chance, ce fut le cas), un bisous à mon fils et enfin un bisou à ma femme. Je les remercie pour les encouragements (après coup, j'apprendrai que c'était un peu insuffisant pour ma fille qui s'est plainte à juste titre de mon passage éclair : "je crois qu'il a pas vu mon panneau Aller papa" ...), je prends le temps d'ajouter que tout va bien et que les 3h sont peut-être "jouables", et sur ce, ça repart dans la foulée

Bilan "technique" : 15" de perdues mais aussi le coeur bien descendu, de quoi rattraper partiellement le retard et un boost pour le moral :-).

  • Ca continue bien, les 30 km passés en 2h06'13", soit 1'46" d'avance. Ca devient un peu plus dur mais je me sens toujours assez bien : cool au niveau cardiaque et pulmonaire, les jambes un peu lourdes mais rien de dramatique et une petite sensation de faim mais qui est je pense virtuelle (entre la méga dose de pâtes du matin et les glucides genre Power Gel régulièrement avalés, je ne crois pas trop les signaux d'alerte de mon estomac) : en bref, même si la légère faim m'inquiète un peu, la confiance monte. Jusqu'au petit calcul mental qui me montre qu'il faut quand même faire du ~13,5 km/h jusqu'à la fin pour rester sous les 3h ... Conclusion : un passage à vide, même petit, et c'est raté ! Et la marche est absolument interdite ... Ca va être chaud !
  • Les km continuent à défiler rapidement, et paradoxalement deux choses montent en parallèle : la confiance relative et le stress de commencer à trop y croire. Alors que je n'y croyais pas dans mes rêves les plus fous 2h plus tôt (un tout petit peu quand même ...), si j'échoue maintenant, ça va être une terrible déception !
  • Les 35 km passés en 2h27'52", toujours en forme mais l'avance c'est un peu réduite, plus que 1'26" d'avance (et donc toujours besoin de tenir ~13,5 km/h jusqu'au bout, dur dur ...). Je prends le dernier vrai ravitaillement (glucide+eau) et repars à un bon rythme. Dans ma tête, je me dis que c'est bon, c'est presque gagné.
  • Quasi dans la foulée, entre le 36è et le 37è km, je me sens tout d'un coup un peu mal, lent. Je relève la tête, essaie de relancer la machine mais sans succès, les jambes sont lourdes tout d'un coup. Un coup d'oeil à ma montre me le confirme : 12,5 km/h ... Merde, 2h30 que j'y crois et c'est en train de lâcher : à ce rythme, si tant est que j'arrive à le tenir (ce dont je commence vite à douter ...), ça fera au mieux 3h02, rageant ! Un mélange de stress, de découragement et d'énervement m'envahit ... Pas maintenant, NON ! Et surtout, la question métaphysique : que se passe-t-il, pourquoi ce coup de barre ? La fatigue rend aussi le cerveau un peu lent, je me sens "ailleurs" et ne réussi pas à comprendre.
  • Deux très longues minutes plus tard, je recommence à me sentir mieux, ça roule à nouveau un peu et un sursaut de lucidité m'éclaire : y avait-il une côte que je n'avais pas vue ? Heureusement, ça semble se confirmer, ma vitesse remonte péniblement à ~14 km/h et je retrouve des sensations correctes : ça va être dur mais ça devrait le faire, ce n'était qu'un mauvais cauchemar, une "piqure de rappel" sur les difficultés du Marathon. Il reste donc à s'accrocher, à ne rien lâcher. C'est le moment difficile du Marathon, où tu te demandes pourquoi tu t'es embarqué dans une telle galère ...
  • Les 37è, 38è et 39è km sont difficiles et éprouvants mais me rassurent : je n'ai pas perdu trop de temps avec le passage à vide (20 à 25s), c'est pas la cata, il reste une petite minute d'avance et ça devient significatif (au 39è, il "suffit" de maintenir 13 km/h).
  • 40è km en 2h49'46" : restent donc 10'14" pour 2,195 km (4'45" / km), ça devrait le faire. Je prends péniblement un peu d'eau, en recrache la moitié et repars, hésitant entre la facilité de ralentir un peu et finir juste qques secondes sous les 3h ou continuer l'effort et faire 2h59'. Finalement, je coupe la poire en 2 et ralentis un tout petit peu pour ne pas être trop juste : ça serait dommage de merdouiller dans mes comptes et finir en 3h00'05", la Haine !
  • Soudain, alors que je suis perdu dans ces pseudo-réflexions et essayant de caler ma foulée sur celle d'un "lièvre" juste devant moi, à l'approche du 41è km un drapeau rouge 3h porté par une femme me rattrape et me scotche sur place. Merde, c'est moi qui ait franchement lâché le rythme (et alors, danger ...) ou elle qui s'amuse ? J'ai pourtant l'impression d'assez bien avancer et un rapide coup d'oeil à ma montre le confirme (~13,5 km/h) : elle s'amuse, certainement lancée à 15 km/h ... Après 30s de découragement où elle me met 30 mètres dans la figure, piqué au vif, je décide d'accélérer et de m'accrocher dans le sillage du petit groupe de 10 personnes qui la suit. Le coeur monte avec modération et arrive vers 172 / 175, les jambes sont lourdes mais la machine suit et je parviens à stabiliser mon retard sur ce drapeau rouge ! Allez, il faut tenir et elle va m'aider à finir en beauté ! Tous mes "capteurs" sont en alerte, ne vais-je pas lâcher (crampe, épuisement, ...) avec cette "gaminerie" ?
  • Pas trop le temps d'y penser, le panneau du 42è s'approche maintenant rapidement et la porte-drapeau n'est plus qu'à une quinzaine de mètres devant moi. J'y vais ou pas ? Après quelques secondes d'hésitation, en bon bourrin, j'accélère vers 16 km/h jusqu'à 50m de l'arrivée mais il reste encore 6 ou 7 m de retard et le panneau s'approche des 2h59. Nouvelle hésitation et finalement je redouble d'efforts pour finir presque à fond, à plus de 17 km/h et au même niveau qu'elle, avec un chrono officiel affichant pile 2h59'00".
  • Ma montre me le confirme : temps réel de 2h58'45" : I did it !!! Sous les 3h, génial, inespéré.
  • Je souffle, vais récupérer péniblement ma médaille, enlever la puce, remercier chaleureusement les bénévoles (quel boulot, je les admire), tchatcher avec qques autres heureux arrivants (dont un extraterrestre de 65 ans ayant fini en 2h41', chapeau bas ! Sauf que ce soir, après recherche Google, il semblerait que ce dossard 954 soit un imposteur maîtrisant bien le ... métro ! Plein de gens étonnants dans ce "bas monde", amusant non ?). Enfin, il est temps de rentrer, le froid devient piquant, les jambes sont douloureuses et en coton.

En conclusion, un Marathon exceptionnel, qui me fait oublier les 2 précédents dans la douleur ... Reste donc à :

  • Définir un nouvel objectif. A terme sous les 2h50 ? Plus raisonnablement, je vais commencer par viser les 2h55, peut être à Berlin fin septembre (si j'y vais). Ou un triathlon (il faudrait que j'apprenne à nager le crawl ceci dit ... !) ?
  • M'entrainer un peu plus sérieusement pour avoir une chance d'y arriver (sachant que je ne suis franchement pas un modèle du genre, mea culpa) ...

Bons Marathons à vous tous et surtout amusez-vous bien, c'est l'essentiel !

Karl