Drôle d'idée de faire partir une course à 12h. Pour moi cela cumule deux inconvénients : je résiste très mal à la chaleur, bien présente cette année, et ça m'oblige à adapter les heures de repas de manière tout à fait étrange. Ces deux facteurs vont beaucoup marquer ma course.

Mais avant cela, j'ai profité d'un excellent week-end Limousin, en famille, près de la piscine en grande partie. C'est donc bien reposé (mais le ventre bien plein de beaucoup de bonnes choses) que j'ai rejoint Ambazac en ce dimanche matin très ensoleillé. Je profite d'un pass VIP pour me faire conduire vers 11h30 au plus près du village, le retrait du dossard en quelques secondes à peine. Je m'équipe, vérifie que mon sac à dos contient bien l'eau et les provisions, installe la puce, et il est déjà temps d'embrasser la petite famille pour me diriger vers le départ. Au passage, je glisse à ma chère et tendre que, vu la météo, je pense que 4h est une bonne estimation de mon temps. J'ai de toutes façons décidé de ne pas trop m'en faire, et de ne pas me mettre dans le rouge. Le coup de chaud que j'avais fait au MdP l'an dernier m'incite à la plus grande prudence. Je vais donc courir au cardio et j'ai intentionnellement omis de prendre mon accéléromètre.

Celui-ci est donné dans un grand pré, les coureurs sont précédés de gendarmes en tenue ancienne montés sur de superbes chevaux. Personnellement je n'ai évidemment rien vu, puisque je suis parti au fond du peloton. Mais il paraît que le spectacle est superbe pour les spectateurs. Je pars tranquillement, au rythme de ceux qui m'entourent, c'est à dire doucement. Pourtant, le coeur a déjà flambé ! J'atteins quasiment immédiatement les 160 pulsations et ne descendrai plus en-dessous: l'effet de la chaleur sans aucun doute. Un nuage de poussière est soulevé par les coureurs, pas très agréable mais ça ne durera pas. On fait un tour sur cette prairie, ce qui me permet de saluer la famille dans les tribunes, ça fait toujours chaud au coeur !

Nous partons ensuite pour une première partie relativement régulière d'environ 5 km. C'est étroit, donc on n'a pas le choix : on suit le rythme. Je ne force pas, mon cardio me l'interdit et après tout, je suis là pour voir et apprendre. Les premières montées me confirment qu'il faudra m'économiser, je m'approche dangereusement des zones rouges. Tranquillement donc, nous effectuons une petite boucle qui nous ramène vers la zone de départ, où je peux à nouveau saluer la tribune.

Commencent alors les choses sérieuses. Quelques hectomètres après, première montée un peu raide. Mon cardio dit stop : je marche. Ce qu'il y a de bien, c'est que je ne suis pas le seul. Rapidement, je comprends que courir dans les montées a deux inconvénients : ça met dans le rouge et ça met en danger: il faut en effet faire les bordures, qui cachent souvent pierres et racines. Je m'aligne donc sur la pratique dominante.

Nous avons atteint vers le km 7 ou 8 une montée longue et régulière, la première du genre. Je ne force pas, je marche, et je regarde autour de moi. Les sous-bois sont très beaux en cette saison, le terrain est plutôt sec. Au final nous n'aurons que de petits passages boueux, longs à chaque fois de quelques mètres seulement. Rien de comparable avec certaines années. En tous cas, c'est tant mieux car ça réduit les difficultés. De temps en temps sur le parcours, en plein milieu des bois, un groupe de gens est assis et nous encourage : comment sont-ils arrivés au milieu de ces côtes apparemment isolées ? Mystère mais ça fait partie du charme de la course.

Après la montée, il y a la descente. A ce moment de la course, on en profite bien. Ce n'est pas hyper technique, juste quelques pierres et racines à éviter, mais je fais bien attention à mes appuis. Quelques passages, principalement dans ces descentes, sont en goudron et nous passons alors dans de petits villages charmants, qui hébergent souvent les ravitaillements. En ce qui me concerne, je prends bien mon temps, bois la moitié d'une bouteille d'eau et m'asperge de la seconde moitié, un verre de glucose quand je peux, et j'essaie de manger: une barre amandes par ci, un gel par là...

Vers le km 15 on recommence à monter sérieusement. Je continue à gérer l'effort en marchant dans les montées, le coeur est toujours aussi haut mais ne dérive pas. Les jambes se font juste un peu plus lourdes. Il fait toujours chaud, voir même très chaud. Heureusement les bois nous protègent une bonne partie du temps, et parfois le soleil se voile. Mais l'eau reste le point-clé de la course et il faut signaler que les ravitaillement n'ont jamais failli à leur tâche. Bravo l'organisation !

Sur l'autre versant, on commence à avoir des points de vue splendides sur la région. Ici, on passe le long d'un petit lac coincé dans les bois, là une perspectives sur la région limousine à perte de vue, là encore des chevaux paissent dans le pré autour duquel nous serpentons au fil du relief. Je lève le nez aussi souvent que possible pour profiter de ces paysages. Je remercie aussi les spectateurs, nombreux et chaleureux dans les villages.

Ca commence à être dur pourtant, je me surprends à espérer les montées pour pouvoir marcher. En descente, on ne peut pas dire que je cours, je me laisse descendre. Sur le plat, heureusement il y en peu, je sens la fatigue. J'essaie néanmoins de profiter, je gère mon effort. Et surtout je bois ! A partir du km 20, je fais de petits calculs. Je réalise que même à 6km/h je ferai environ 4h, ce qui me rassure. Je vais donc y aller mollo. On continue à monter, à descendre, à échanger quelques mots entre coureurs de temps en temps. Les descentes se font plus délicates pour certains, je vois une ou deux chutes heureusement sans gravité. On prend des nouvelles... On passe une petite rivière, ça rafraichit les pieds, et alourdit aussi les pas !

Vers le km 25 commence la dernière grande montée. Me souvenant du profil du parcours, je sais que ça descend à partir du km 28. J'y vais bien tranquillement dans cette montée d'autant que je commence à me sentir un peu cuit. Je sens sur le plat que je suis incapable d'accélérer, j'attends la prochaine montée avec impatience et ai une forte sensation d'essoufflement. Pas question de forcer, il faut arriver en bon état. Je pense qu'à ce moment j'ai tapé le Mur, comme on dit sur Marathon: manque de préparation, mauvaise alimentation, je n'avais plus de ressources et je n'ai pas eu le réflexe de manger. Mon ventre était en effet presque ballonné d'eau qui devait masquer ma faim (faut dire qu'il était 15h environ, et que je n'avais pas mangé). C'est à ce moment-là que me viennent les pensées négatives de type "qu'est ce que je fais là ?".

Je poursuis néanmoins, à mon rythme de marche. J'appréhende cette descente qui approche, près de 4km jusqu'à l'arrivée. Ca se passe pourtant pas mal, même si je reste très lent. Seul problème: une crampe qui se déclare au mollet. Je dois m'arrêter pour m'étirer un peu. Mais ça tient pas trop mal le coup. Paradoxalement, ça me donne comme un second souffle. Ca focalise mon attention. Je sais maintenant que je vais passer sous les 4h, mais pas question de s'emballer: l'accélération n'est pas raisonnable. Dernière descente dangereuse, avec notamment un passage dans le lit d'une petite rivière. Dangereux à cause des pierres qui tapissent le lit, mais rafraichissant. Je confirme au passage que l'eau froide est très utile contre les crampes. Ca va beaucoup mieux après !

Un dernier point d'eau au km 30 et nous approchons de la difficulté finale: j'ai entendu parler des fameuses marches. Je ne suis pas déçu, dans le dernier kilomètre, elles arrivent à la fin d'une côte bien raide, la plus raide du parcours je crois. Cuit comme je suis, je marche malgré les encouragements des spectateurs très niombreux à cet endroit (merci à eux !). Les marches sont hautes, je ne force pas. Je récupère même quelques mètres après, résistant aux encouragements des spectateurs auxquels je réponds : "je profite, je profite !".

Effectivement je profite de la descente vers la ligne d'arrivée, j'ai recommencé à courir, je passe la ligne après 3h52, content d'avoir couru et content d'en finir. Pas de coup de chaud cette fois, je fais retirer ma puce, remercie les bénévoles, puis c'est le repos. La découverte du trail se poursuit néanmoins puisque quelques minutes après, je me sens un peu faiblir: par manque de lucidité je ne reconnais pas les symptômes de l'hypoglycémie, et il me faudra attendre de retrouver mes proches pour qu'ils me fassent avaler une pâte de fruits qui va vite me remettre sur pied. C'est bien la preuve que je me suis mal alimenté.

Malgré ces erreurs de novice, l'expérience du trail a été enrichissante. Je mesure la distance (hé ! hé !) qui me sépare des ultra, il me faudra bien d'autres expériences avant de m'y lancer, mais j'ai apprécié l'atmosphère, le type d'effort (très différent du marathon), et surtout la variété du parcours. Je suis piqué, il est bien possible que j'y revienne !