Sans trop faire de bruit dans la maisonnée, je me lève pour déguster mon Gatosport (chocolat, pas trop mal) préparé la veille. Hier il a fait un temps à ne pas mettre un coureur dehors: 3°, de la pluie (gelée donc), du vent... Avec en plus mes dernières séances d'entraînement pas très concluantes, je suis plus dans un état d'esprit défensif (il va falloir tenir) qu'enthousiaste à l'idée de courir...

Je me glisse dans la voiture pour la petite route vers La Rochelle. Il fait froid, pour le vent je ne sais pas trop mais les essuie-glaces qui vont et viennent me rappellent à la dure réalité : ça pleuvote ! Bon, il pourrait neiger me dis-je... Et en effet il neige ailleurs en France. Absorbé dans ces pensées noires, je me gare sur la parking de l'hopital, qui n'est pas loin du départ. Là, dilemme: sortir dans le froid pour essayer d'être au RV CLM ou rester au chaud le plus longtemps possible ? Je l'avoue j'ai choisi le confort relatif de la Hyundai de location à la convivialité chaleureuse du RV. Pour ma défense, il était tôt je n'étais pas vraiment lucide...

L'heure tourne un peu, et vient le temps de me préparer: j'ai opté pour le cuissard, et deux couches techniques, dont le maillot CLM, en haut. Je complète d'une cape de pluie "Marathon de Paris" pour le départ. Je regarde les autres coureurs s'habiller ; la question qui me taraude n'est pas de savoir si je vais finir mais si je serai trop ou pas assez couvert. Toujours pas lucide je vous dis...

8h30, bon faut y aller... Je complète mon équipement, absorbe un gel anti-oxydant pour les crampes, et c'est parti vers le départ Quai Maubec. Je ne suis dans aucun des sas prévus (je ne sais pas à quels temps ils s'adressent) donc j'attends à l'arrière. De toutes façons, si je finis déjà c'est pas mal... Mon objectif de 3h30 en début de préparation est évanoui depuis quelques semaines, j'en suis à essayer de finir en bon état. Le speaker nous rassure: partout en France, il neige ! On a bien fait d'être là !

Le départ est donné ! On passe la ligne assez vite, puis ça piétine pas mal dans les rues étroites le long du port. Ce n'est pas très grave pour moi, ça fait un échauffement. J'en profite pour faire une pause technique et c'est reparti ! J'aperçois enfin la borne du km 3 après 16'42". C'est lent mais pas surprenant vu que c'est le début. Et puis, c'est pas le chrono qui me perturbe à ce moment de la course...

Nous rejoignons les filles et les vétérans peu de temps après le long de la mer. Je prends un rythme un peu plus conforme aux prévisions, un peu au-dessus de 5'. passage aux 5k en 27'03". J'aperçois maintenant le meneur des 3h45 suivi de sa cohorte. Pas envie de faire l'effort de doubler tout ce paquet en slalomant. J'attends mon heure en constatant que le meneur va plus vite que l'allure 3h45: on fait moins de 5' au kilo entre le 5ème et le 10ème (que je passe en 51'38").

Entre temps, je me suis débarrassé de ma cape de pluie, mon corps ayant atteint une température suffisante. J'ai aussi pu constater qu'il y a quelques beaux faux-plats dont je pressens que je profiterai pleinement à la seconde boucle ! Toujours bien dans mon rythme, je reste modéré, je suis tranquillement le groupe.

Au ravitaillement du km 10, par le jeu des pauses, je me retrouve aux côtés du meneur 3h45. Quelques hectomètres plus loin, il semble ralentir (ou est-ce moi qui accélère ?). Insensiblement je passe donc devant. J'entre alors dans ma phase d'euphorie marathonienne. Entre les km 10 et 25, comme toujours, les sensations sont superbes, je déroule, les km s'enchainent dans des temps très honorables (donc bons pour le moral), souvent même sous les 5'.

On revient en ville, le public est là, il y a des encouragements, et je ne cesse de me répéter : du calme, modère tes ardeurs, va doucement, économise-toi... Le tout en profitant bien. Au passage on croise une première fois des coureurs qui bouclent le semi autour de 1h15 (moi je passe au km15 en 1h16'52") et je les encourage, ça distrait !

Encore une petite boucle au sud de la ville cette fois, dans l'université notamment. Je me dis que ça risque d'être dur tout à l'heure au deuxième passage, mais pour l'instant tout va bien. Mon cardio est encore aux abonnés absents donc je n'ai aucune idée de ma forme mais tant pis. Toujours sous les 5' au km, nous revenons vers le port et là, il faut que rétablir la vérité des faits, telle qu'elle s'impose à nous autres coureurs : il fait un temps idéal !

Hé oui, c'est vrai qu'il ne fait aps chaud mais c'est plutôt un avantage. Le vent ? Quel vent ? On annonçait des rafales à 100 km/h, on a à peine une ou deux bourrasques qui font un peu frais. De la pluie ? Certes il y a des nuages mais alors que nous sommes en face du port, la vue magnifique est confortée par un rayon de lumière sur les tours. Avec un compagnon de course, nous devisons gaiement sur la chance de bénéficier d'un tel panorama.

A l'approche du semi, je fais un peu le clown pour les photographes officiels, et nous voilà de retour sur le port. Lorsque je passe le semi, en 1h47'16", j'ai la chance de croiser la tête de course, qui entame la dernière petite boucle. Deux coureurs en tête. Je les encourage, ainsi que leurs poursuivants.

Ce passage du semi est mentalement un moment critique : je me sens bien, et c'est là que la calculette interne s'enclenche. Il faut lutter : contre les jambes qui se verraient bien accélérer, les folles ! contre la tête qui commence de savants calculs sur les projections de temps à l'arrivée. Et si je fais un positive split de 3', mais de combien faut-il faire un negative split pour... Mais ne fait-il pas corriger du temps passer à piétiner au départ... Stop !

J'essaie de rester dans ma course en ce début de deuxième boucle. Mes temps sont réguliers, entre 4'55" et 5' au km. Un peu avant le km 25 (franchi en 2h06'31") j'aperçois un CLM que je salue : c'est CarpeDiem17 qui me lance : il y a Gégé devant à 200m !

Je lui réponds que je vais éviter de faire des folies à ce moment de la course et poursuis tranquillement. Je sais que j'arrive dans une zone où je peux ressentir ce coup de moins bien annonciateur d'une dérive finale. D'autant que ça monte légèrement vers le km 27, ce qui fait un peu durcir les jambes. Je reste néanmoins proche de 5' au km, sans ressentir de coup de bambou pour l'instant.

On arrive au km 30 (2h32'07" pour moi). Encore une fois la calculette qui s'allume, et que j'essaie d'éteindre, le course commence pour de vrai ! On passe dans un parc, et mes pensées volent immédiatement vers Central Park: il y a beaucoup moins de monde certes, et nous ne sommes pas dans les derniers miles, mais les souvenirs de New York m'assaillent... et me distraient opportunément.

Je réalise que désormais, tout km bouclé, surtout si les temps restent proches de 5', est une victoire sur la distance. je réussis à maintenir le rythme, souvent même autour de 4'55" au km grâce à de légères descentes, jusqu'au km 35 (2h57'33"). J'avale difficilement mon dernier gel coup de fouet, le souffle est court maintenant, la distance me rattrape...

Je croise les finisseurs autour de 3h, eux aussi en bavent, bravo à eux ! Etrangement je ne ressens pas l'envie d'être parmi eux ou l'envie d'arrêter en raison de la proximité géographique de l'arrivée. La course devient dure mais je reste positif. Le mental tient. Je ne ressens pas cette lassitude qui gâche la course.

Les kilomètres s'allongent un peu 5'05", 5"05", 5"10". Dernière côte dans le campus, au rond-point on tourne vers le port. Je manque de peu mes amis et ma petite famille qui vont arriver à ce point quelques minutes après mon passage. C'est dur, le cardio s'est réveillé et me confirme ce que je sais déjà: à 185 pulsations, pas question d'accélérer, il s'agit de modérer l'allure pour être sûr de ne pas exploser avant l'arrivée. Mes jambes sont dures mais aucune crampe à l'horizon, merci les jambes vous avez été parfaites !

Je reste lucide, me force à admirer à nouveau ce paysage des tours à l'entrée du port. petit coup de mou avant le km 40 (5'29" au kilo), j'attends avec impatience le dernier ravito. Un verre de glucose, quelques pas, et je repars. Là je suis dans le dur mais ça sent l'écurie. Ma calculette est enclenchée, je sais que je suis dans les temps de mon record (3h36), mais je reste prudent, le coeur est à 190 et je veux finir en bon état.

km 41, 3h28'59", il me faut les 200m qui me séparent de l'arche du dernier kilomètre pour calculer que je peux arracher les 3h35. Je trouve la ressource pour pousser sur les jambes dans le port, avec les encouragements du public très présent. C'est long mais je tiens le coup. On passe la tour, l'arrivée est là, à 100m, je manifeste ma joie dans cette ligne droite, et franchis l'arrivée avec un grognement de contentement qui ne devait pas être bien joli. 3h34'53", j'ai battu mon record de manière inespérée !

Je suis bien sûr épuisé mais j'ai connu bien pire me dis-je en passant la tente de la Croix-Rouge pour récupérer le précieux coupe-vent (ça y est, je le tiens !) et me diriger vers le ravitaillement. Je me force à manger pour éviter l'hypoglycémie, m'assois ensuite quelques minutes pour récupérer. Mon objectif principal est atteint : j'ai fait une belle course, et je termine en aussi bon état qu'on puisse terminer un marathon. Même le soleil nous gratifie de quelques rayons pour qu'on ne prenne pas froid. Je peux enfin dégainer le téléphone pour rassurer la famille et convenir d'un point de rendez-vous.

Une petite demi-heure plus tard, la récupération a commencé, et je poursuis un week-end amical et décontracté avec famille et enfants, fatigué mais très heureux de ce temps inespéré, que ce soit au niveau du chrono ou de la météo !